Bye bye

Hier soir le temps était à l’orage. Le ciel grondait.
Mon père m’a appelée.
Il me dit que cet après-midi, il a été dire au revoir à mon grand-père, que c’était une question de temps.
Il m’a dit qu’il était resté seul avec lui et lui a dit : « Ne t’inquiète pas, on va s’occuper de maman, tu en as fais des choses, pars tranquille. »

Qu’il fallait que je me prépare.

Mais peut-on se préparer à la mort d’une personne que l’on aime ? Que l’on connaît depuis toujours ?
Je me suis dit : « On verra, on verra quand cela arrivera. »

Hier soir, impossible de me coucher.
Impossible d’aller me reposer.
J’attendais que mon père m’appelle.
J’ai traîné devant la télé…
Et j’ai pensé à mon grand-père.

Impossible de m’endormir.
Puis, dans un presque sommeil, j’ai pensé fort à mon grand-père.
Je lui ai dit qu’il pouvait partir, calmement, sereinement, qu’il a bien vécu, que ce n’est pas facile la mort, qu’il a sans doute suffisamment souffert. Je lui ai dit qu’il peut aller en paix.
Des larmes ont roulé sur mes joues et j’ai sombré dans le sommeil, me disant que j’avais la chance d’être en vie, d’avoir un homme qui m’aime à mes côtés et une petite fille extraordinaire.
Il devait être aux environs de 2 heures du matin.

Ce matin, la première chose que j’ai fait, c’est d’allumer mon téléphone.
J’attendais que mon père m’appelle.
Le temps d’aller à la crèche, il me laisse un message.

C’était fait : mon grand-père était parti à 2 heures du matin.

Mon père était chez ma grand-mère, en train de choisir des vêtements.
Il devait aller à la salle mortuaire de l’hôpital.
Des mots si froids quand on est dans une si grande peine.
Tant d’administratif à s’occuper dans un moment si difficile.

Je lui ai demandé s’il avait besoin de moi, qu’il n’hésite pas, que j’étais là.

Il m’a dit non, s’est ravisé, puis a dit qu’il n’était pas seul, qu’il me tiendrait au courant  de quand étaient les obsèques.

Voilà.

Voilà comment une vie s’arrête après avoir été si riche.
Une vie difficile, comme chaque Homme qui vient sur terre. Il ne s’est jamais remis de la mort de sa mère à 18 ans, il a fait la Seconde Guerre mondiale, s’est évadé. Il me racontait les Américains, les jeans trempés dans le pétrole, les cigarettes échangées pour manger, la traversée des Pyrénées, la peur, le côté grisant de se sentir libre. Il a toujours été très dur de l’extérieur mais si sensible de l’intérieur. Son ventre, toujours lui faisait mal, ce deuxième cerveau remplis d’émotion et de souvenirs. Son métier, l’horticulture, et son entreprise qu’il a monté en partant de presque rien avec ma grand-mère. Sa force, son courage, son intelligence, son érudition, sa débrouillardise, son inventivité, sa patience. Sa gentillesse. Sa distance.
Il m’en a laissé des choses : des souvenirs, des bonheurs, des tunnels de fleurs aux mille couleurs, des légumes du jardin et des pommes cueillies à même l’arbre, les pruniers et les cerisiers en fleur, l’amour de la terre, la persévérance, l’amour du travail, la force de caractère, la gourmandise du chocolat.
Comme tout homme il n’a sans doute pas été un exemple de vertu mais il a traversé la vie toujours en relevant la tête.
Aujourd’hui qu’il part, il emmène avec lui à tout jamais ces jours ensoleillés de Toussaint et mes souvenirs d’enfance les plus doux.

15 réflexions sur « Bye bye »

  1. Ton article m’a fait monter les larmes aux yeux… c’est dur les décès de nos proches et même si on veut s’y préparer on n’y arrive pas… de toute façon ils restent là tout prés de nous dans notre coeur.
    Bon courage.

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  2. Mes condoléances pour la perte de ton grand-père. J’en ai eu des frissons à te lire car ma grand-mère est dans un sale état après avoir eu son AVC la semaine passée… On connait l’issue de ce genre de chose :(

    Des gros bisous <3 , courage à toi et ta famille dans ce douloureux moment a passer…

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  3. Je t’envoie tout mon courage et mon soutien qui seront bien peu de choses pour passer ce cap difficile, bon voyage à ton grand père.
    Je t’embrasse

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  4. J’ai l’impression que tu me racontes le départ du mien il y a 5 ans, de tout coeur avec toi, moi j’ai eu l’impression d’etre définitivement devenue une adulte une part de mon enfance s’en est allée avec lui et souvent je pense à lui d’autant plus que le jour ou il est partit j’étais enceinte depuis peu de ma Gremlins et je ne le savais pas encore une vie qui s’éteins pour une qui commence,
    En tout cas je pense fort à toi, ce n’est jamais facile, le coeur a du mal à se résoudre à se vide laissé par un être cher qui nous a quitté.

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  5. Oui, très bel hommage ! C’est très beau de partager ton amour pour lui ici, on le connait un peu du coup et on peut lui dire nous aussi au revoir à tes côtés…
    Bisous tout plein <3

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  6. merci pour ce billet très doux et tendre malgré ta tristesse. Je pense que nos souvenirs restent à nous, personne ne les emporte, mais c’est vrai que le départ de celui ou celle qui en est à l’origine enlève toute possibilité de les revivre et de les partager… Mes souvenirs de mes grands-parents sont aussi teintés d’exil, de force et du bruit de la Méditerranée… je suis de tout coeur avec toi.

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  7. C’était très émouvant de te lire.
    Mon père a également perdu son papa en mars dernier alors j’ai très bien visualisé toutes les choses terre-à-terre à gérer après un décès, que tu évoques…
    Mon grand-père ne m’a pas laissé autant de belles choses derrière lui parce que c’était un homme plus distant et droit dans ses principes qu’autre chose. Mais je trouve que le tien te laisse des choses magnifiques…
    Bon courage pour la suite.

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