Trop

Je suis comme ça.
Je suis sensible.
Trop.
Trop réceptive au malheur des autres.
La première fois que j’ai vu un sans-abri dans la rue j’ai pleuré. La tristesse de l’autre me touche souvent plus que la mienne.
Mais c’est tant mieux : je suis aussi sensible au bonheur des autres, ceux que j’aime, il me rend heureuse. Même celui de ceux que je ne connais pas. Certains diront que c’est trop.

Quand je sais que quelqu’un est en difficulté j’ai envie de le sauver. C’est plus fort que moi. Alors je me retiens car c’est trop.
Parfois je me perds dans des amitiés à sens unique, je me protège car je suis trop…

La première fois que j’ai entendu de la musique classique pour de vrai, dans un théâtre, j’ai eu envie de pleurer tant la beauté me pénétrait, les poils qui se dressaient.
Je ne peux écouter la 7e symphonie de Beethoven sans avoir les tripes qui se serrent par tant de profondeur, d’une jolie noirceur.
Mais n’est-ce pas trop ?

Le première fois que j’ai aimé, j’ai aimé complètement, j’avais même pas 5 ans et je n’ai jamais arrêté. A en pleurer, à en crier, à en crever. Aimer quitte à me perdre. Une vraie guerrière.
Trop d’amour ?

Je n’aime pas les films violents, avec trop de bruits ou qui sont trop durs. Je laisse volontiers rouler quelques larmes sur mes joues devant Grey’s anatomy ou un film de midinette. Mais uniquement quand je suis seule.
Je ne peux pas non plus lire des livres policiers, ou à suspens. Cela me met trop en tension. Trop réceptive. Tant mieux, les biographies me touchent au plus profond de mon être.

Les films d’horreur j’en parle même pas. Petit point définition : un film d’horreur pour moi c’est genre Jurassic park. Dès qu’il y a du sang, des morts, des « boum » et des coups de feu, c’est pas pour moi. En gros, sorti des films romantiques ou des aventures de Oui-oui, je peux pas voir grand-chose. Tiens un exemple : on est tombé sur Robocop, Robocop quoi. Qui c’est qui a fait des cauchemars ?

Je suis tellement sensible que finalement je n’ai pas besoin de tous ces films. Mes rêves, ce sont de véritables films de science fiction. Même que ça ferait de bons livres…

Je suis tellement une éponge que savoir qu’il y a eu un accident de la route, passer après, me perturbe. « J’espère que personne n’est mort, qu’il n’y a pas un enfant qui aura perdu son papa ». Je me demande : et cette personne s’en sera-t-elle sortie ? Et j’y repense même 10 ans après.

Je suis trop, trop remuée quand on me parle d’un sujet qui me prend au tripe. Trop engagée, trop exaltée, trop emportée. Je vis ce que je dis. Tant et si bien qu’il y a des sujets tabou sans que je sorte de mes gonds ou que j’ai envie de pleurer comme une petite fille de 5 ans : le FN, l’univers, les météorites, les trous noirs… Une liste non exhaustive.

J’ai envie de faire partie de la vie de tous pour les aider. J’ai envie de faire partie de la vie de personne car c’est parfois trop dur tellement les choses me touchent.
Je reste dans le silence pourtant je pense à tous ceux qui ont croisé mon chemin depuis le début de ma vie. Je n’oublie personne. Le nom de mon tout premier amoureux, de mon second amour et sa date d’anniversaire, de paroles, de parfums, de gestes, les abandons, les mots durs, les erreurs, les secrets qu’on m’a confié à tout jamais, les resto, les mots dits au creux de l’oreille et au fond de mon âme, les copines de Bordeaux, les « je viendrais te voir c’est sûr » retrouvé sur ma carte de départ de mon boulot, les histoires de leurs familles, leurs difficultés, leurs rêves, leurs espoirs. Je n’oublie rien. Pas un morceau d’émotion ressentie. Livrée. Déposée. Les discussions à demi-mot ou à demi-bourrées, les doutes, les soirées chez les copines à 12 ans, les crises de rire, la dépression la mienne et celles des autres, leur vie qui change, dans le bon sens…

Alors j’apprends, j’apprends à être moins…

Et j’apprends à en faire un joyau.
J’aime la nature, le soleil, le vent qui passe dans mes cheveux, la chaleur du soleil qui caresse mon visage, je m’émeus de la beauté des fleurs, de leurs couleurs éclatantes, des feuilles des arbres qui rougissent à l’automne, des effluves des roses, de la douceur de leur pétale, de la douceur de la peau de mes enfants, de leurs éclats de rire, je suis consciente de chaque seconde qui passe, unique, insaisissable, et qui mène inexorablement à la mort.

Je suis trop mais je sais que c’est un don. Pour mon futur travail, pour ma vie, peut-être est-ce ma mission sur terre, peut-être enfin tout cela me servira , à l’écrire ce putain de livre qui bouillonne au creux de mes tripes. Depuis 20 ans.

Reste plus qu’à être un peu moins éparpillée, un peu plus à mon écoute.
Un peu plus courageuse.

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10 réflexions sur « Trop »

  1. Je suis trop aussi, une hypersensibilité qui serait une richesse incroyable si je n’avais pas le défaut de m’imprégner tellement du négatif au détriment du positif. Si je pouvais inverser le processus, je ne serai pas si angoissée, je serai euphorique!!

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  2. ça te rassure si je te dis que je suis trop aussi ! et pour moi aussi Jurrasik Parc c’est un film d’horreur. J’ai même fait des cauchemars après avoir vu L’ours… tu vois l’genre.
    Je ne sais pas quel âge tu as, mais en vieillissant (si si) on arrive aussi à vivre avec trop. d’émotions.

    C’est dur aussi d’aimer trop de choses de savoir faire trop de choses puisque du coup on n’arrive plus à rester focalisé sur une seule et même chose. Et si en plus t’es balance, comme moi, mais HA HA HA imagine le délire pour choisir ton menu au resto !!! :)

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  3. ❤️ Comme toi, je me retrouve dans ce billet, parfois besoin de m’éloigner et de faire des pauses que du coup beaucoup ne comprennent pas, besoin de me recentrer sur ma famille quand je sens que « ce trop » bouffe mon quotidien et mes relations avec mon homme. Mais la nature reprend le dessus.
    Tu es une de mes belles rencontres de 2013, tu le sais et je te soutien face aux dernières épreuves que tu as vécu.
    Je t’embrasse et te souhaite un magnifique projet

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  4. Comme je me retrouve dans ton billet et dans tout ce que tu dis… Et c’est plus fort que moi je ne peux pas faire autrement que d’être « trop »
    Je découvre ton blog et file lire les autres billets 😊

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  5. Pareil, quand je vois une forêt dévasté, un animal découpé en boutique, un enfant en pleure, une femme apeuré ou un homme trompé…. je me sens mal, je pleure, je ressens pas tout à fait leurs douleurs, sensation ou autre mais presque.

    On m’a dit que c’est de l’empathie.

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