On oublie souvent qu’un bébé ça pleure.
Doucement, très fort, le matin ou le soir.
Comme un petit chat ou une sirène hurlante.
Sans crier gare, sans prévenir.
Transformant son visage angélique en un masque aux traits contrits, endoloris.
Que l’on ne sait pas toujours donner une raison à ces pleurs, partant en quête de leur cause, comme un détective novice lancé à corps perdu sur un chemin tortueux semé d’embûches et de fausses pistes mis là juste pour dérouter le jeune et fragile parent que l’on est et l’induire en erreur tout à fait.
Que l’on est fatigué au début. Et même après.
La grossesse, la naissance, les nuits hachées et écourtées où seule l’obscurité marque la nuit de la journée… Que même le mot « exténué » à bien du mal à recouvrir l’état second dans lequel on est, embué, envasé, englué…
Que l’on pleure parfois, nos larmes se mêlant aux siennes, unies dans un même désespoir : celui de s’aimer sans se comprendre. De ne pouvoir faire face sans se brûler l’âme, errant dans nos obscures pensées qui pourraient nous perdre à jamais.
Que souvent on est seule. Pour les câlins, les tétées, les pleurs. Tout endurer sans broncher. Qu’en tant que maman on est au front tout le temps, essuyant les tempêtes, les ouragans. Qu’on soit malade ou épuisée, pas du tout en forme ou carrément désœuvrée.
Que l’on ne peut pas démissionner de ce poste-là, tant désiré mais un peu désenchanté. Que l’on doit l’honorer toujours, le répudier, jamais…
Que l’on a l’impression que ce sera pour toujours, quand nos limites sont atteintes, que l’on a été puiser dans nos ressources souvent insoupçonnées.
Et que finalement l’enfant grandit, trop vite, trop tôt et que bientôt ces moments difficiles seront de doux souvenirs dans lesquels on aimera se replonger.
Que cette promiscuité si pesante finira par s’étioler et se faire espérer.
Que l’on se retournera sur ces premiers mois de vie sans vraiment jamais pouvoir revenir en arrière, alors même que l’on regardait, impatiente, vers le futur, inconsciente que l’on était d’avoir la chance inespérée de voir naître et grandir cette vie ô combien précieuse qui nous a été confié.