Bientôt.
Bientôt, c’est la rentrée.
Délivrance J-7.
La quille.
La libération.
Tel le bagnard tu coches les jours qu’il reste avant le jour J sur les murs de tes toilettes, seule pièce de ta prison dorée où tu peux un peu t’isoler, enfin l’espérer…
7 jours et la grande rentrera en grande section. Pas la peine de pleurer, tu le savais que ça allait arriver. 5 ans dans 3 mois en plus. Et elle te traite déjà de vieille.
Le petit sera gardé trois fois par semaine. Il sera « adapté » à ce qu’il paraît. Tu pourras enfin retrouver… ta personne. Sans un adorable et gentil gnome greffé à toi, qui te pètes le dos, sans pleurs et cris parce que non, tu ne peux pas faire à manger ET le porter ET le câliner ET occuper la grande. T’as pas 18 bras mais bien une seule tête qui fonctionne comme elle peut quand elle veut. (Traduction : on connaît de nombreux ratés de fonctionnement notamment durant la période estivale.)
Tu vas pouvoir être SEULE.
Apprécier le silence.
Aller faire pipi sans user de stratagèmes. Fini les portes à fermer pour éviter qu’il ne se tue en grimpant sur n’importe quoi. Fini le flippe où tu t’imagines parlant à un flic, étonné des nombreuses contusions retrouvées sur le corps inerte de l’enfant, justifiant que, accusée d’infanticide : »J’étais obligée de fermer la porte, je devais changer mon tampon, j’étais OBLIGEE !! » en sanglotant comme une madeleine.
En parlant de tampon, tu pourras même laisser ta boîte traîner sans avoir peur de la retrouver éparpillée au milieu du salon, jonchant le sol avec la totalité du contenu de ton sac à main minutieusement vidé. Et de ton porte-feuille. Pièces comprises.
Plus de repas à faire équilibré parce qu’il faut manger-bouger 5 fruits et légumes frais ou un truc dans le genre et se mettre en cuisine une heure tous les matins. A toi les pâtes, les sandwichs, les salades vite faites et autre repas déstructuré !
Fini les repas qui ressemblent à des tours de piste digne du cirque de Pékin, entre le petit qui danse une pâte dans chaque main en essayant de taper sa sœur et une grande qui gobe les mouches et met 45 minutes à manger une assiette même de frite, tout en ayant fait tombé une fois son verre, une fois sa fourchette et une fois… de trop tu ne sais plus quoi.
Fini les repas où tu ne sais même plus ce que tu as mangé, où tu ne sais pas ce que tes enfants ont mangé si tu en crois le carrelage criblé de marques d’un affrontement entre la semoule – tiens c’était vraiment une bonne idée de faire de la semoule – et un morceau de comté dûment écrasé sur la table à coup de tasse antifuite – enfin ça c’était avant, maintenant c’est une trois jets.
Bientôt plus aucun feutre ne se retrouvera sur ton bureau, aux toilettes, ou dans la machine à laver 21 fois par jour. Les bouchons seront bien sur les feutres, les feutres dans leur trousse et la trousse… mais elle est où cette fichue trousse ???
Fini les sorties désespérées au square matin, midi et soir !!
Bientôt tu vas pouvoir bosser pénarde, devant ton PC, t’organiser sans hurlements et t’adonner à une tâche sans être interrompue 427 fois.
Tu vas pouvoir ranger les jouets dans leurs bacs où ils resteront sagement à attendre le retour de leurs heureux bourreaux propriétaires de l’école pour l’une et de chez la nounou pour l’autre.
Bientôt, si tu veux, tu pourras faire une sieste si ta nuit a été over moisie.
Ouais.
Sans culpabiliser (ou presque parce que quand même faut tu bosses et que tu ramènes des clients pour payer la nounou et les factures).
Bientôt les rires de tes enfants ne résonneront plus dans la maison. Bientôt ils iront vivre de nouvelles aventures la journée, sans toi, loin de toi, toi qui as eu tant de mal à les occuper cet été, qui t’es trouvée nulle, qui parfois a cédé à la facilité en allant se reposer plutôt que de jouer avec la grande, à sortir au square plutôt que de jouer aux cubes une heure durant. Bientôt ces moments qui ont été crevants deviendront de jolis souvenirs, ceux d’un joli été de tes deux enfants qui avaient 18 mois et pas tout à fait 5 ans. Bientôt les doux moments referont surface, tu te rappelleras émue tes deux petits bouts souriant, se marrant, se câlinant, te courant après, sa tête de clown qui tire la langue, ses petites mains qui te font des chatouilles, sa tête hirsute après la sieste, les tours au marché avec les deux, les baguettes de pain à moitié dévorées avant d’être rentrés. Ces milliers de petites douceurs qui vont te manquer et qui vont donner une saveur spéciale à cette rentrée que tu vas apprécier, tant espérée, tout autant que regretter.
Tu te diras qu’ils auront bien grandi.
Et que, quelque part, toi aussi.